Nous partons en direction de Véré
pour aller à Damassongo, en descendant le monticule de Youga
Na par le coté nord. C’est une grand plaine qui se déroule
sous nos pas. De l’autre coté il y a, à nouveau,
la falaise de Bandiagara de laquelle est détaché un monticule
sur lequel sont perchés les trois villages : Youga Na, Youga
Piri et Youga Dogourou.
Nous passons par Yendouma Sogol (en
bas) sans nous y arrêter, Tintin me dit que nous y reviendrons,
c’est à deux heures de marche de Youga Na.
Pendant le trajet Tintin me décrit le processus traditionnel
du vol quand un vol est commis. La victime d'un vol demande un sacrifice
au féticheur qui le réalise à base de graines de
"da", du piment, un poulet. Le but est de jeter un sort au
voleur qui devra mourir dans les semaines suivantes. A tel point que
quand quelqu’un meurt de mort « suspecte » il peut
être accusé du vol. Tous ses biens, argent et affaires
personnelles sont détruits et jetés dans une grotte, personne
ne peut y toucher sauf à encourir la malédiction. Les
Dogons sont fétichistes animistes mais nous avons vu une mosquée,
les
musulmans lors des fêtes religieuses invitent les villageois à
les rejoindre; la progression de l’Islam est lente mais constante
depuis plusieurs siècle. Nous avons aussi vu une église
à l’intérieur austère et peu décoré,
un livre de prière est posé sur l’autel. Cependant
la religion Catholique est quasiment absente de cette région.
Nous passons la nuit au gîte.
Nous redescendons dans la plaine pour
atteindre Yendouma ato. Les villages ont souvent un nom identique, seul
le suffixe les différencie exmple : Youga (nommé souvent
Yougo dans les livres) se décline en trois villages situés
à 1 heure de marche les uns des autres : « Youga Na »,
« Youga Piri », « Youga Dogourou ». Ainsi Koundou
est un village en bas, Koundou Da est au sommet de la colline et Kitin
entre les deux, là où ont eu lieu les funérailles.
A Yendouma Ato nous déjeunons.
Après la sieste, tour du village, et rencontre avec Yassa une
femme d’environ 35 ans très vive et gaie, curieuse du touriste
dont est affublé Tintin en ce moment.
Nous
faisons connaissance, elle me montre les enfants, la famille. Les frères
revêtent des habits traditionnels et veulent des photos, sans
autre compensation. Ils rient et la conversation avec Yassa s’engage
via mon interprète particulier, son mari est cuisinier, il n’est
pas là, il est dans un autre village.
Je lui explique que Yassa c’est le nom d’un plat Sénégalais
à base de riz et de poulet au citron vert et que si j’étais
à la place de son mari, belle comme elle est, il y a longtemps
que je l’aurais mangée toute crue.
Elle
est prise d’un fou rire sans fin, tout le monde rit. Jalouse des
photos faites avec ses frères elle s’est éclipsée
et est revenue avec sa tenue traditionnelles bleue indigo, et là
séance photo sous toutes les coutures avec les enfants. Il m’a
fallu réitérer la plaisanterie du poulet Yassa pour leur
faire abandonner l’air figé et officiel dont ils s’affublaient
et pouvoir les détendre.
J’ai souvent remarqué que
l’on peut plaisanter avec les femmes même si ces plaisanteries
ont un caractère plus qu’amical et même grivoises,
les hommes ne s’offusquent jamais, ce que l’on ne pourrait
pas faire avec des Musulmans. J’ai travaillé au Maroc pendant
3 ans, il faut toujours se tenir très loin des sujets tabous
et surtout ceux qui concernent les femmes. Lors de cérémonie
de funérailles qui auront lieu dans la suite j’ai pu danser
avec Assa, son mari présent n'en a pas pris ombrage; est-ce de
la confiance, de l’indifférence ou simplement la place
de la femme ne mérite pas que l’on s’en inquiète
?
Par contre Tintin m’a expliqué que quand un enfant nait
et que l’on sait pertinemment que le père n’est pas
le mari, soit parce qu’il a été absent longtemps
ou une autre raison, c’est donc un bâtard, il est éliminé
à la naissance. Souvent noyé il est enterré à
part dans des grottes ou cimetières différents des autres
enfants. C’est aussi un monde cruel ou certaines règles
ne doivent pas être transgressées. 
Les « vieux » transmettent
le savoir ancestral et la culture Dogon aux enfants dans des espaces
un peu en dehors du village, ils leur enseignent l’histoire et
les origines de la population Dogon, les rites traditionnels de naissance
et de mort, les cérémonies. On peut se poser la question
du devenir de cette culture face à la pénétration
du tourisme, de l’implantation des écoles, et une émigration
importante des Dogons pour des raisons économiques dans les régions
voisines, notamment vers le Ghana et la Côte d’Ivoire. Cependant
certains reviennent au village: le mari de la teinturière parle
parfaitement l’Anglais car il a vécu au Ghana et il est
revenu terminer sa vie à Youga Nah.