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Porte de SANGHA

Funérailles à Koundou

République du Mali

 

Trente cinq ans après DAKAR
Tintin chez les DOUMBO
En route pour Youga Nah
Premières émotions

 

Funérailles à Koundou

 

village des chasseurs
Yassa
Abodio
De nouveaux compagnons
Funérailles à Tiogou
Le Hogon d'AROU
Marché à Yendouma
Soirée d'adieux
Objectif BAMAKO
Nagadef DAKAR

 

 


 

Ce jour là, une randonnée était prévue pour la journée, puis Tintin m’annonce un imprévu car des funérailles ont lieu à Koundou, un village à 3 heures de marche et il me demande si cela ne me gêne pas de l’y accompagner . Le Griot conduit la fouleCet homme vivait à Youga Na mais était originaire de Koundou, il doit donc être enterré dans son village de naissance comme le veut la tradition. Le terme enterré est impropre puisque le cimetière est situé dans des grottes dans la falaise, souvent à plusieurs dizaines de mètres; le corps attaché à une corde à base d’écorces de baobab est hissé par de jeunes villageois. Chaque grotte funéraire est réservée à une catégorie: une pour les dignitaires, les hommes, les femmes, les enfants, les bâtards (enfant nés d'adultère).

Il est décédé depuis quelques temps déjà, mais la famille ne célèbre les funérailles qu’après avoir réuni les provisions et victuailles nécessaires à accueillir les villages alentours selon le rang du défunt. Quelques fois les funérailles sont organisées rapidement mais le temps de porter la nouvelle dans les villages voire les pays les plus lointains car les Dogons sont présents dans de nombreux pays de l’Afrique subsaharienne, cela nécessite des délais importants. Nous partons de bon matin, nous croisons de nombreux hommes et femmes qui se rendent aux funérailles avec chacun leur offrande, la plupart du temps sous forme de quelques kilos de mil. Nous déjeunons à Kundou le village du bas. Les tam-tams et tambourins sonnent depuis la veille, la nuit je les avais bien entendus résonner au loin sans en connaître l’origine. Il n’y a pas de touristes, seul un groupe qui passait par là s’est arrêté quelques heures. Tintin m’explique que si je veux prendre des photos sans être inquiété je dois comme lui aller présenter mes condoléances à la famille. Sitôt dit sitôt fait, j’explique que mon mil à moi est resté à Paris mais un billet de 5000 Francs CFA fera l’affaire, je me perds en salamaleck déplorant la vie qui s’interrompt et la douleur de ceux qui restent. A voir la veuve il devait déjà être bien âgé et méritait surement le repos éternel. On m’offre la bière de mil à la calebasse, c’est frais et çà désaltère, j’en suis un fervent amateur déjà. On se presse au balconAlcoolisée à seulement 2 ou 3°, elle est très excitante pour cette population qui boit rarement de l'alcool. Les jeunes pendant les fêtes s’en nourrissent pour jouer du tam-tam toute la nuit et pour danser. La bière de mil, appelée aussi « Dolo » est un rituel, un symbole des fêtes traditionnelles on peut l'offrir aussi à un autre village lors des cérémonies du Sigui.Ceux qui bossent

De toute part des villages aux alentours de la falaise la population a convergé vers Koundou, avertis par le "bouche à oreille", les bruits des tam-tams et des tambourins. Le village ressemble à une fourmilière dont la population s’est accrue démesurément, il faut se faufiler dans les rues comme dans le métro aux pires heures d’affluence. Tout ce monde s’est paré de ses vêtements les plus beaux, surtout les femmes et les jeunes filles, pour un dernier adieu au défunt et peut être une occasion de réunir la communauté dans ce qui ressemble plutôt à une fête qui va durer jusqu’à l’aube. Les belles sont de sortie A cette occasion la bière de mil préparée de longue date coule à flot ainsi que les victuailles : moutons, chèvres, légumes, oignons, sauces, couscous et mil sont là pour nourrir la famille, les participants, danseurs et proches.

Tout d’abord sur la place du village où tout le monde s’est réuni il est procédé au tir de salves de fusils à poudre noire desquels sortent des flammes d’au moins 30 cm. Tintin me met n garde pour ne pas trop s’approcher car les tireurs excités par la bière de mil ne maitrisent pas toujours la direction des salves. Il me montre une femme ayant une partie du visage brulé par une flamme. FusilsPuis vient la cérémonie des « masques », portés par des jeunes gens eux aussi excités par l’ambiance festive, ces masques sont issus d'une tradition millénaire: Arrivée des masques masques lapin, hyène, antilope, vautour, masques case etc. Le masque serpent de plusieurs mètres de haut n'est sont portés qu'en de rares circonstances comme la fête du sigui. La cérémonie des masques représente la transition et l'accompagnement du monde des vivants vers l'au-delà, celui des ancêtres. Les danses rituelles représentent les scènes symboliques de la vie villageoise, celle du défunt, elles ont aussi pour but de chasser les mauvais esprits et protéger son âme.Masques

Le griot est là, il est grand, l’air grave, vêtu de sa tenue bleu indigo et un turban blanc, il rythme les chants avec son tambourin qu’il frappe avec une baguette courbée.

Le GriotNous l’avions déjà rencontré à Koundou d’en bas deux jours avant, Tintin lui avait fait offrande de 1000 F CFA.
Puis vient le moment du sacrifice où un bouc situé sur la terrasse d’une maison (c’est souvent la maison du défunt) va passer de vie à trépas. On verse du lait sur la terrasse symbole de l’offrande aux ancêtres. Quand on célèbre les funérailles d’un homme c’est un bouc qui est sacrifié pendant la cérémonie, on lui coupe les testicules alors qu’il est encore vivant puis on lui tranche la gorge et on asperge la maison et le sol avec le sang. Densibles s'abstenir Si la défunte est une femme c’est une chèvre qui est sacrifiée, mais ce sacrifice n’a pas lieu au milieu de la foule et (« on la pique » selon les termes de Tintin, on lui transperce probablement le cœur, pratique moins sanglante et moins spectaculaire.Sacrifice

Puis la veuve apparait poitrine nue en brandissant deux calebasses dont l’une est cassée. Celle-ci symbolise la vie qui s’arrête. La tradition Dogon veut aussi que lors d’un décès l’on casse les outils de travail du défunt, ici pourquoi la calebasse je ne sais pas. Symbloe de la vie qui brisée par la Veuve
Sur ce sujet il faut voir le film des funérailles de Jean Rouch en pays Dogon où pour les besoins on a reconstitué une caméra factice pour la briser lors de ses funérailles dans la falaise de Bandiagara au pays Dogon trois ans après son décès en 2004. Jean Rouch a beaucoup filmé l’Afrique et nombre de ces films portent sur le pays Dogon rassemblés dans le DVD « le peuple sur la falaise ».Danses de la vie

L’ambiance est festive, un groupe de touriste passe par là car ce village est sur la route des circuits de randonnées du pays Dogon des tours opérateurs puis ils repartent après quelques temps.
Tout le monde se dirige vers une clairière, un groupe monte au sommet de la colline pour y casser des branchages puis quand ils redescendent (quel symbole ?) les lancent sur ceux qui sont restés en bas. Descente de la falaisePendant ce temps des femmes chantent les scènes de la vie, ainsi que le griot. Il est grand, l’air grave, il rythme les chants avec son tambourin.
Nous sommes juchés sur les murs entourant cette clairière, des jeunes filles vendent des gâteaux, j’en achète et les distribue autour de moi. Je prends des photos et les montre à mon entourage, certains sont ravis d’autres font la moue, les Dogons pensent que les touristes qui font des photos avec eux les vendent très cher dans des magazines. C’est surement la récente profusion des émissions de télévision et autres reportages des magazines qui leur fait croire cela.

A coté de moi une gamine me sourit probablement curieuse de mon attirail photographique, c’est Helga je lui fais un peu de place pour voir au loin et Tintin traduit mes questions et ses réponses. HelgaElle a 10 ans en parait plus selon mes critères, grande et souriante, elle habite à Koundou d’en haut où nous irons dormir ce soir dans un gîte « chez Dara ». Dara est aussi le nom des habitants de Koudou de même que Doumbo est celui des habitants de Youga Nah. Elle n’est jamais allée à l’école car étant l’ainée de la famille elle assume les tâches ménagères pour élever ses frères et sœurs. Elle est souriante, l’air curieuse et intelligente, elle semble avoir confiance en moi, un lien semble nous rapprocher, est-ce la confiance qu’elle a en Tintin ou la curiosité de l’étranger que je suis? Je n’ose pas penser que c’est la vénalité à cause des gâteaux que je lui ai offerts, ainsi qu’aux autres gamines alentours. Bref nous sommes devenus « copains » sans pouvoir échanger autre chose que des sourires.

Les villageois redescendent de la falaise les branches pleuvent sur ceux qui ne sont pas montés, on se protège et on renvoie ces branchages à ceux qui les ont lancés, s’agit-il d’un simple jeu, d’un symbole ? La nuit tombe vite, tintin me fait signe de rejoindre le gite à Koundou da. Helga nous suit car elle y habite aussi, nous traversons le village et nous partons dans les chemins escarpés vers la falaise à la nuit tombante. De nombreuses failles sont à franchir, Helga me tient la main sans me lâcher dans la nuit simplement éclairée d’un rayon de lune, est-ce pour assurer mon cheminement dans cette falaise rocailleuse ou un signe d’amitié, un sentiment de reconnaissance, je ne le saurai jamais. Le matin, lever tôt, petit déjeuner chez Dara et retour par le même chemin à Youga Na. Là, surprise. Helga accompagné d’un autre gamin de 5 ou 6 ans, son frère peut être, est là, grande et majestueuse pour me dire au revoir, embrassades et salamalecks, Dernier adieudans ces situations on mesure toute la difficulté à communiquer sans connaître la langue des autochtones pour lui dire toute ma sympathie et mes émotions, j’aurais aimé la connaître un peu plus, nous poursuivons notre route.

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