C’est déjà le 3ème
jour, je retrouve les senteurs africaines, la nonchalance des femmes
qui transportent en permanence l’eau depuis le bas de la falaise
et les hommes qui discutent dans les ruelles. Un autre guide me fait
faire la visite de Youga Na, car Tintin est réquisitionné
pour une réunion au tougana sur le financement du maçon
qui prépare la construction de l’école.
Il
est en train de trier, casser les pierres et, par cette chaleur son
activité n’est pas enviable même si l’on est
en février et c’est la période la plus froide de
l'année. Sans certitude de ma part (car je ne rapporte que ce
que Tintin m’a dit) il semble que l’association finance
l’essentiel mais que la nourriture du maçon soit à
la charge du village. La population n’est pas dans son intégralité
favorable à une participation pour cette construction . En effet
la scolarisation des enfants dans cette région est un sujet difficile.
Si nombre d’entre eux va à l’école car si
beaucoup d’efforts ont été faits depuis ne nombreuses
années grâce notamment aux ONG, les filles restent souvent
minoritaires dans les classes, surtout les ainées, car elles
aident aux tâches de la maison s’occupant des plus petits.
De plus les travaux de champs à partir du mois d’avril
nécessitent souvent que les garçons soient présents
pendant la saison humide.
J’achète des noix de Kola
dans une antre tenue par un jeune qui en fait commerce. La noix de Kola
dans toute l’Afrique de l’ouest un symbole coutumier que
l’on partage en signe d’amitié et que l’on
offre à ceux que l’on respecte. Il est essentiel d’en
avoir toujours sur soi quand on fait des rencontres surtout avec les
anciens d’un village.
Je passe à coté d’une
case isolée qui abrite les femmes pendant la période des
règles, elles y restent pendant 5 jours (une semaine Dogon) on
leur porte la nourriture car elles ne peuvent aller et venir à
leur gré dans le village. 
Elles sont impures et pourraient faire
« rater les fétiches » et autres médecines
dispensées par le féticheur, un peu comme dans nos campagnes
l’on disait « qu’elles faisaient tourner la mayonnaise
». Les Dogons pensent aussi que la maladie est transmise par les
femmes « en règle », faisant référence
au sang présent dans l’urine des hommes qui ont probablement
attrapé des MST, j’ai beau essayer de convaincre mon guide,
ainsi qu’un vieil homme avec qui le sujet est abordé, que
la relation de cause à effet n’est pas réelle et
que certaines maladies mêmes si elles sont transmises de la femme
à l’homme et inversement n’ont rien à voir
avec cela, je ne convaincs pas et ne suis pas là pour cela. 
L’après midi nous longeons
le flan de la falaise vers Youga Dogourou et accédons au plateau,
sommet de la falaise.
Youga Dogourou est un village plus petit par la taille mais d’une
importance exceptionnelle dans la culture Dogon, car Youga Dogourou
est à la culture Dogons ce que la Mecque est à la religion
Musulmane.
C’est à Youga Dogourou que la plus grande cérémonie
le « SIGI »prend son départ, elle a lieu tous les
60 ans et traverse toute la région pendant 7 ans.
A l’occasion du Sigui
on sort les masques de la grotte, notamment le grand masque représentant
le serpent, ancêtre décédé pendant la migration
du peuple Dogon depuis le mont Mandingue et qui à chaque fête
tous les 60 ans, symbolise la renaissance d’une génération.
Le SIGUI peut se
résumer à la fête de la renaissance, de l’invention
de la parole et de la mort il est au cœur de la tradition Dogon.
C'est le passage d'une génération à une autre.
La fête du SIGHI a ses racines
dans l’observation de l’étoile sirrus visible dans
la constellation du chien tous les 60 ans, la prochaine aura lieu en
2027. Cette interprétation semble êtres contestée
par certains anthropologues qui doutent que les Dogons aient cette connaissance
transmise oralement depuis de centaines d’années et qui
l’auraient en fait découvert vers le 19 ème siècle.
Le débat reste ouvert.
Une synthèse à partir
du film de Jean Rouch « l’invention de la parole et de la
mort » se trouve en annexe. Cette fête se déroule
pendant 7 ans dans un village différent chaque année avec
des rites propres à chacun d’eux.
La cosmogonie Dogon est complexe et de nombreux livres et articles existent
notamment la création de l’homme par le dieu Amma qui enfanta
la terre et donna lieu à la naissance , ……………………..Ces
traditions beaucoup plus sophistiquée que celle de notre culture
judéo-chrétienne sont décrites dans le livre de
Marcel Griaule: « Dieu d’eau », les écrits
de Germaine Dieterlen : " ....." et les films de Jean Rouch
« le peuple de la falaise».
Au retour nous traversons de gigantesques failles au fond desquelles
des mares partiellement aménagées
ou
bien naturelles servent à retenir l’
eau
source d’approvisionnement plus pratique et surtout plus proches
que les puits situés dans la plaine. Aux abords de ces failles
sont construites les cases des prédécesseurs de Dogons,
les Tellem, ce qui signifie: « ceux d’avant ». population
qui vivait de cueillette et de chasse, ils s’apparentaient plutôt
à des pygmées par la taille et logeaient dans des cases
en forme de clocher perchés en hauteur probablement pour des
raisons de sécurité.
La cases sont construites en banco, mélange de terre de paille
malaxés, tellement intégrées dans la falaise qu’on
ne les remarque pas sauf quand on a le nez dessus.
Pour des leçons d’architecture intégrée ceux
là avaient certainement des leçons à nous donner
et bon nombre de nos « bâtisseurs architectes modernistes»
devraient en prendre modèle.
Ils ont probablement migré à cause d’une sécheresse
de plus en plus fréquente ayant pour conséquence la raréfaction
des ressources naturelles qui leur permettaient de vivre. Le réchauffement
de la terre était-il déjà une catastrophe annoncée
?
Les Dogons qui les ont remplacés
se sont mieux adaptés aux conditions climatiques, ils sont essentiellement
cultivateurs de mil et d’oignons (qu’ils vendent sur les
marchés jusqu’à 25 km, frais ou séchés),
ainsi que quelques agrumes aubergines, tomates et aussi du coton qui
permet de tisser des vètements.
L’élevage
consiste en quelques moutons, chèvres et quelques poulets qui
vivent sur les restes de la maisonnée. Une autre population que
je n’ai pas évoquée vit aussi dans cette régions
ce sont les Peuls, peuple d’éleveurs présent dans
toute l’Afrique subsaharienne mais plus encore en Guinée
et au Mali.
Ils
sont nomades et possèdent d’immenses troupeaux de bovins.
On
reconnait les femmes par une tenue vestimentaire très différente
des Dogons, très colorée ainsi que de nombreux bijoux,
ils vivent plutôt dans la plaine près des troupeaux de
vaches et fournissent la viande sur les marchés et le lait dans
les villages.
Aux abords du village 5 ou 6 femmes pilent le mil pour préparer
le « tô », bouillie à base de farine de mil
qui est présent dans tous les repas de l’année.
La
viande et le poisson sont rares et réservés aux fêtes
et aux touristes. Durant mon séjour seul le repas du soir comportait
de la viande, souvent du poulet. M’apprêtant à faire
des photos, Tintin me dit : « attends approche sans ton appareil
et c’est moi qui vais te prendre car sinon elles risquent ne pas
être d’accord ». Et c’est là que j’ai
fait connaissance d’Assatou, Patima et Awa. Ces deux dernières
ont 14 ans et mariées au même homme, elles habitent deux
villages distincts, l’une est de Youga Na l’autre de Youga
Piri. Quand à Assatou (Assa) c’est un sourire ambulant,
30 ans deux enfants, des yeux ronds et malicieux elle rit de mes mimiques
et mes efforts de conversation (pas facile quand on ne possède
que 6 à 7 mots).
Elles
m’invitent à les aider à piler le mil, se tordent
de rire devant ma maladresse, mais je relève le défi et
après quelques ratés je prends le rythme, je promets de
me marier ici la prochaine fois.
Elles m’ont beaucoup plu, nous avons noué une complicité
et je les reverrai souvent dans le village où dans les fêtes
pour danser. Les photos plaisent beaucoup et la commande est faite pour
l’envoi après mon retour en France.